Les secrets du marathon avec François Holzerny

Nous sommes allés à la chasse aux secrets du marathon pour vous. Rencontre avec François Holzerny appelé aussi Marathon Man, il vit non loin de notre camp de base, comme quoi aller vite serait peut-être une question de localisation ?

Salut Marathon Man peux-tu te présenter ?

Salut à vous ! Je m'appelle François Holzerny, j’ai 47 ans et j’ai débuté l'athlétisme gamin par les cross scolaires mais de manière vraiment intensive vers 18 ans avec de la piste. Assez rapidement je voulais plus d'espace qu'un stade et je me suis alors lancé sur route et trail. Mes capacités m’ont conduit vers les longues distances avec le plaisir pendant les déplacements. C’est fabuleux de pouvoir maitriser son corps et de partir sans réfléchir à pied. Ensuite ce qui est maintenant ma distance reine, le marathon, s'est un peu imposé à moi : un coach passionné qui m'a filé le virus. J'ai fait mon premier marathon vers la trentaine à Barcelone en 2h30 et depuis je ne suis plus remonté au-dessus des 2h30. J’ai une bonne trentaine de marathon à mon actif avec un record à 2h22 réédité à 45 ans deux fois dans l'année.

Qu’est ce qui t’attire le plus dans le marathon ?

C’est une distance qui allie à la fois le plaisir de la préparation sur long terme mais on peut également varier les plaisirs pendant la préparation. On ne s’interdit pas le vélo, la randonnée ou encore la course en nature. Et puis il y a ce côté performance avec le chrono. Bien que j’aime le trail je n’ai pas la même satisfaction après un gros trail qu’après un marathon.

On a ce souvenir sur la pénétrante de Cannes pendant le marathon Nice Cannes en 2015 : le premier homme blanc avec cheveux longs et des cuisses saillantes c’est toi ! Peux-tu nous raconter ce souvenir ?

Ce jour-là ce sont des sensations que l’on recherche, celles auxquelles on ne s’attend pas. J’avais fait une grosse contre-performance à Turin l’année d’avant où je m’étais bien préparé mais j’étais passé au travers de ma course. Alors que cette année j’avais abordé ma préparation de manière plus détendue, je sentais que j’avais placé des sorties plutôt costauds à savoir moins construites mais plus basées sur l’envie.
Ce jour-là toute la première partie de la course je me disais « t’es malade tu vas trop vite ! » Mais ça a tenu, quand je suis passé au 30ème km avec pratiquement mon meilleur temps de passage. Je sentais que même en craquant je pouvais faire 2h24. Avec de bonnes sensations je n’ai pas craqué et franchi la ligne en 2h22. Un plaisir tout le long qui l’a emporté sur la douleur.

François Holzerny

Ça fait donc à peu près 30 ans que tu cours maintenant si l’on calcule bien, les marathons et les trails sont tes terrains de jeu favoris, quel a été le déclic pour le passage à ces distances ?

Oui c’est à peu près ça en 1990 où j’ai couru pour les 800m départementaux avec le champion de France junior dans la même série que moi, j’étais sur ses talons toute la course. Un gars m’a demandé de venir faire du demi-fond. J’adore les 800m et 1500m mais l’entraînement est rébarbatif, je ne me voyais pas faire des montées d’escalier, cloche-pied, … pour grappiller des dixièmes. Si rapidement j’avais fait un 1500m en 3min45 j’aurais tenté ma chance mais je n’en étais pas là, pas la peine d’insister et je me suis lancé sur quelque chose qui me faisait plaisir.
Le distance marathon me correspond bien sans doute grâce à mes qualités cardiaques. J’ai un rythme cardiaque au repos à 30 pulsations par minute même si je n’ai pas la morphologie type je suis plus costaud qu’un marathonien moyen, quand ça plait on y arrive ! Après je n’ai pas fait 2h10 non plus mais j’ai optimisé mes qualités. Si j’avais été un peu plus professionnel ou rigoureux j’aurais peut-être pu faire sous les 2h20 mais pas beaucoup mieux, pour cela il faut être en 29min au 10km mais je n’ai pas de regret.

Heureusement que Strava n’existait pas à l’époque il y aurait certainement encore des traces. Comment faisiez-vous d’ailleurs ?

C’est plus marrant avec Strava ça permet de s’entraîner seul. A l’époque on s’entraînait sur des portions que l’on connaissait. Un petit morceau de bitume on savait qu’il valait à peu près 500m, 1500m, …
La course à pied reste un sport individuel par excellence, il suffit d’un créneau horaire et d’une paire de basket. J’ai d’ailleurs plus tendance à axer mes séances en fonction de l’endroit où je vais courir plutôt que l’inverse. Je préfère parfois rester dans les collines et au lieu de faire des 2000m sur du plat je vais faire des intervalles de 8 à 10min en nature sur des parcours qui sont connus. Maintenant ce qui est sympa c’est les segments Strava : on sait réellement où l’on en est, on ne peut pas tricher.
Ça a changé, avec simplement la montre à l’époque, on pensait qu’on avait couru 1h30 et 25km mais la réalité du terrain avec Strava ce n’est pas toujours 1h30 et rarement 25km (rire) Pour faire une bonne semaine, je cours 5 fois et pour dépasser 100 bornes il faut y aller j’essaie de me faire une moyenne de 20 bornes sur chaque sortie.

En parlant de bornes on a entendu dire que tes chaussures avaient plus de bornes que ta voiture ?

(rire) Non ma voiture borne un peu plus heureusement ! En tout cas les chaussures ce qui est sûr c’est qu’elles ne tiennent pas l’année. Les bonnes années je fais environ 5000km mais il faut plus le voir en temps passé. Je m’entraine une dizaine d’heures par semaine sur terrain vallonné et roule souvent en VTT.
Après il faut borner il ne faut pas se leurrer. Si je n’ai pas une équivalence de 120km par semaine je vais pas faire un marathon en espérant réaliser un bon chrono.

Tu penses que pour réussir un marathon dans les meilleures conditions combien d’heures faut-il courir par semaine ?

Je dirais qu’il faut l’avoir dans la tête 6 mois avant. Dès l’inscription l’avoir en tête mais en garder sous le pied pour les 2 derniers mois pour faire de grosses intensités et du volume simultanément.
J’ai tendance à commencer 12 semaines avant. Donc 2 mois et demi sachant que je place 2 semaines de semi-repos entre des cycles de 4 semaines, ça me permet de ne pas être dans l’urgence. Des préparations sur 10 semaines ça peut être envisageable si on a un volume derrière, quand on ne part pas de zéro.
Pour faire simple le marathon c’est 6 mois avant : 2 mois de volume, 2 mois avec de la vitesse puis 2 mois à faire les deux : courir longtemps et vite à la fois. L’idée c’est ça avec une progressivité de la charge d’entraînement.

Des séances à privilégier : VMA, Seuil, Endurance ?

Ça dépend des bases que l’on possède : un coureur avec passé de pistard, il est rapide et a suffisamment travaillé sa VMA il pourra faire quelques séances courtes pour entretenir juste la vélocité.
J’axerai plutôt des séances de 2000m ou en continu par exemple 20km avec les 10 derniers km où l’on accélère progressivement, jamais comme en course car on a la fatigue de la semaine. Les efforts de 8 à 12 min avec 3 à 4 répétitions c’est incontournable.

Une séance test avant un marathon ou un rituel ?

Et ben… non ! Je pense justement qu’il ne faut pas reproduire d’une année sur l’autre la même chose le corps s’habitue trop bien. On peut faire la même séance et se retrouver le dimanche avec des sensations différentes c’est pour cela qu’il faut varier.
Après je sais que si je fais pas 4x2000m à 3’10/km je ne serai pas, après à l’inverse c’est pas parce que je les passe que je serai bon (rire). Les 15x300m par contre ce n’est pas significatif pour marathon.
Et concernant les tests grandeur nature sur semi je n’en ai jamais vraiment tenu compte. Il faut faire le boulot mais ne pas s’enfermer, ni copier-coller d’un programme. Avoir des bases de séances identiques pour l’objectif recherché d’accord mais s’adapter avec la fatigue de la journée, de la semaine, … ou même s’adapter en pleine séance et rétablir la semaine d’après par exemple. C’est la partie intéressante : échafauder des plans et se préparer !

Est-ce que tu t’es déjà pris un mur ?

Non ! Ouf ! A chaque fois que j’étais moins bien, j’ai quand même fini tous mes marathons entre 2h22 et 2h27 donc parler d’un vrai mur non mais par contre dès le 5ème km je sentais que ça ne passerait pas. Par contre j’ai déjà vu des coureurs en les questionnant autour moi qui partaient sur un objectif de 2h30 et passaient au semi en 1h10/1h12. Là je comprends que la dernière partie est difficile. On peut dire que les murs que j’ai pris se sont limités à perdre 3sec au km.

Parle nous de la période d’affûtage pour arriver aiguisé au marathon ?

Cette période j’ai mis pas mal de temps à la comprendre mais elle est capitale, ça ne sert à rien de charger comme une mule. Je fais ma dernière sortie difficile le jeudi à J-10 puis je freine sur l’intensité. La semaine du marathon je ne fais presque rien, juste des petites sorties pour garder les muscles en éveil et garder du jus. Il faut savoir qu’on ne va pas bosser cette semaine-là. Quand on a fait le boulot, la récupération est capitale.

What’s next ?

Le marathon de Paris en Avril. Je n’y croyais pas, pourtant je commence à penser comme un vieux ! 2h27 à 47 ans c’est bien et finalement le plaisir ou le but est de se surprendre en réalisant une performance dont on ne se sentait pas capable.

Pour tes 50 ans sous 2h20 alors ?

(gros rire) Non mais dans le meilleur des cas cette année à Paris 2h25 serait exceptionnel mais si je réalise 2h23 je serai plus heureux que ce que je l’ai été dans toutes mes courses précédentes. Rien que sous 2h25 après mon opération du ménisque et des problèmes aux mollets ces dernières années, ça resterait personnellement pour moi une de mes plus grosses performances.
Quand on aime on arrivera toujours à trouver quelque chose qui nous fasse nous dépasser et apporter une satisfaction. Et enfin peut-être pour finir en été ou à l'automne un gros trail pour se situer par rapport à l’élite référence comme le trail des Templiers.

MERCI FRANÇOIS !

Photo 2 - 3 : Claude Monaco

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